miércoles, 21 de marzo de 2012

J'ai un visage détruit...


L'Amant- Marguerite Duras

Por si alguien se siente identificado, y porque siempre es maravilloso leer a Marguerite Duras

Très vite dans ma vie il a été trop tard. À dix-huit ans j'ai vieilli. Je ne sais pas si c'est tout le monde, je n'ai jamais demandé. Il me semble qu'on m'a parlée de cette poussée du temps qui vous frappe quelquefois alors qu'on traverse les âges les plus jeunes, les plus célèbres de la vie. Ce viellisement a été brutal. Je l'ai vu gagner mes traits un à un, changer le rapport qu'il y avait entre eux, faire les yeux plus grands, le regard plus triste, la bouche plus définitive, marquer le front de cassures profondes. Au contraire d'en être effrayé j'ai vu s'opèrer ce vieillissement de mon visage avec l'intérêt que j'aurais pris par exemple au déroulement d'une lecture. Je savais aussi que je ne me trompais pas, qu'un jour il se ralentirait et qu'il prendrait son cours normal. Les gens qui m'avaient connue à disx-sept ans lors de mon voyage en France ont été impressionnés quand ils m'ont revue, deux ans aprés, à dix-neuf ans. Ce visage-là, nouveau, je l'ai gardé. Il a été mon visage. Il a vieilli encore bien sûr, mais relativement moins qu'il n'aurait dû. J'ai un visage lacéré de rides sèches et profondes, à la peau cassée. Il ne s'est pas afflaissé comme certaisn visages à traits fins, il a gardé les mêmes contours mais sa matière est détruite. J'ai un visage détruit.

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